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LA SCIENCE EXISTE-T-ELLE ?
à propos de :
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Histoire et méthodologie des sciences.
Programmes de recherche et
reconstruction rationnelle.
d'Imre LAKATOS
Traduit de l'anglais par
Catherine Malamoud et Jean-Fabien
Spitz, sous la direction de Luce Giard.
PUF (Bibliothèque d'histoire des sciences),
1994.
Édition originale : 1986.
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Les scientifiques
ne décrivent pas la réalité telle qu'elle est. Si
c'était le cas, il n'y aurait plus lieu de réviser leurs
théories et de les faire évoluer ; elles seraient
achevées. Or, un simple regard sur l'histoire des théories
dites scientifiques met plutôt en évidence leurs régulières
remises en question. Certes, elles introduisent de l'intelligibilité
dans le monde qui nous entoure, mais les spéculations auxquelles
on dénie ce titre de science le font aussi. C'est pourquoi on est
en droit de s'interroger sur ce qui distinguerait la connaissance scientifique
des autres modes de connaissance.
Une réponse
célèbre consiste à affirmer qu'une théorie
est scientifique uniquement s'il est possible de la réfuter. Dans
ce cas, on devrait pouvoir déduire d'une théorie scientifique
un certain nombre de résultats susceptibles d'être comparés
aux données expérimentales ; si l'expérience
ne confirmait pas ses résultats, il serait nécessaire de
transformer la théorie, voire de l'abandonner ; si
elle les confirmait, il faudrait chercher d'autres résultats susceptibles
d'être soumis à leur tour au tribunal de l'expérience.
Le scientifique chercherait donc moins à se garder des erreurs,
qu'à développer des procédures pour les éliminer.
C'est par conjectures et réfutations que se réaliserait
ainsi l'activité scientifique.
Pourtant, si on regarde leur
histoire, on s'aperçoit que les disciplines dites scientifiques
sont loin d'avoir toujours pris en compte les démentis de l'expérience
-- et même plus, elles ont souvent progressé grâce à
cette négligence ; du moins jusqu'à un certain
point. C'est qu'en effet, si le scientifique fonctionnait réellement
par conjonctures et réfutations, il ne pourrait pas développer
de nouvelles théories en raison du grand nombre d'objections qu'elles
rencontrent à leur début. Le critère de réfutabilité
est donc si sévère que son application rigoureuse obligerait
à renoncer à considérer comme scientifiques les disciplines
les plus respectables. Il est pourtant difficile d'en trouver un autre.
C'est pourquoi certains épistémologues ont estimé
que, intrinsèquement, il n'y avait pas moyen de distinguer ce qu'on
appelle la science des autres modes de connaissance. Pour cette raison,
ils ont considéré qu'elle ne détenait aucune autorité
particulière pour parler de la réalité. C'est contre
ce scepticisme que s'élève Imre LAKATOS (1922-1974), qui
nous propose dans ce livre (voir sommaire) une
nouvelle analyse de la méthode scientifique qui serait, selon lui,
à même de rendre compte du développement des sciences
et de sauver, de façon concomitante, la notion de rationalité.
Regardons cela de plus près.
Nous avons dit que
l'histoire des activités dites scientifiques remettait en cause
l'idée qu'elles procéderaient de façon unilatérale
par conjonctures et réfutations ; mais ce n'est pas
là son seul enseignement. Elle nous montre aussi que certains arguments
présentés à des moments donnés comme des réfutations
d'une théorie ont parfois eux-mêmes été réfutés
par la suite. Ces arguments n'étaient donc pas de véritables
réfutations. Averti par ces exemples, on est en droit de se demander
ce qu'il en est de toutes les réfutations qui n'ont pas encore,
à leur tour, été remises en cause. Le seront-elles
un jour ? D'aucuns pensent que non. Au vu de certains faits,
il serait en effet possible, selon eux, de rejeter de façon catégorique
certaines théories. Mais cette conception qui admet que les théories
scientifiques sont potentiellement réfutables -- appelée
par Imre Lakatos le falsificationnisme dogmatique -- repose sur
le présupposé erroné qu'il existe une frontière
nette entre les propositions théoriques et les propositions
factuelles (propositions d'observation qui sont censées décrire
la réalité).
Pour comprendre
que c'est bien une erreur, il est commode de prendre un exemple :
Galilée soutenait qu'il pouvait observer des montagnes sur la Lune
et des taches sur le Soleil, et que ces observations réfutaient
la théorie depuis longtemps en honneur selon laquelle les corps
célestes étaient des boules de cristal sans défaut.
Or, la fiabilité de la lunette qui permettait à Galilée
d'effectuer ses observations était largement discutée par
ses contemporains. Ce n'étaient donc pas les observations -- pures,
non théoriques -- de Galilée qui s'opposaient à la
théorie aristotélicienne, mais bien les observations faites
par Galilée à la lumière de sa théorie optique
qui s'opposaient aux observations des aristotéliciens faites à
la lumière de leur théorie des cieux. Cet exemple suffit
à illustrer l'idée qu'un « fait
» n'est pas une donnée brute, immédiate, mais
que c'est une donnée accessible uniquement à travers une
théorie (qu'elle soit explicite ou non). D'où il découle
qu'en réfutant la théorie médiatrice, il semble possible
de réfuter un « fait ».
Qui plus est, même
si l'on acceptait la démarcation entre énoncés d'observation
-- supposés vrais -- et théories, un « fait
» ne pourrait pas réfuter une théorie. Prenons
encore un exemple : Si la trajectoire observée d'une
planète p ne correspond pas à sa trajectoire
calculée, plutôt que d'imaginer que la théorie de la
gravitation est fausse, on peut toujours imaginer qu'il existe une autre
planète p', jusque-là inconnue, qui perturbe
la trajectoire de notre planète p. Si de nouvelles
observations ne mettent pas en évidence l'existence de la nouvelle
planète p', ce n'est pas pour autant que la théorie
de la gravitation soit fausse ; on peut toujours imaginer
qu'un nuage de poussière cosmique cache la planète
p'. Si on ne découvre pas le nuage en question, il sera toujours
possible d'avancer une nouvelle hypothèse et ainsi de suite. Une
réfutation ne serait donc possible que si l'on pouvait être
sûr qu'il n'y avait pas de paramètres cachés responsables
de la perturbation observée. Ce qui n'est bien sûr pas possible.
Ainsi, non seulement on ne peut pas prouver l'adéquation d'une théorie
avec la réalité -- rien ne dit en effet qu'une autre ne la
supplantera pas dans l'avenir --, mais on ne peut jamais être sûr
d'une réfutation -- rien ne dit que la réfutation ne sera
pas elle-même remise en cause un jour.
Cela veut-il dire
que l'on ne peut jamais réfuter une théorie une fois pour
toutes ? Ça en a tout l'air. Que devient alors le critère
de démarcation entre science et non-science basé sur la réfutabilité
des théories ? Il peut sembler possible de le conserver
mais à condition toutefois de reconnaître que derrière
une réfutation il y a la convention -- souvent implicite -- qui
consiste à considérer comme non problématiques certains
présupposés de base (par exemple, que la lunette de Galilée
est un instrument fiable, ou qu'il n'y a pas de corps étrangers
non-visibles qui perturbent la trajectoire de la planète). Une fois
admis ces présupposés, il paraît effectivement envisageable
de rejeter une théorie, avec le risque toutefois qu'elle soit vraie
puisque la convention peut se fonder sur une erreur. Cette approche épistémologique
pour sélectionner les théories scientifiques est appelée
par Imre Lakatos le falsificationnisme méthodologique --
et non plus dogmatique.
Selon cette conception,
une « réfutation » n'est plus
que le résultat d'une expérience qui incite les scientifiques
à rejeter une théorie, puisque cette dernière ne peut
jamais être réfutée au sens fort du terme. Ce n'est
qu'en décidant -- par convention implicite -- que certaines propositions
sont de « purs produits d'observation »
(comme les montagnes lunaires de Galilée, par exemple), que l'on
peut considérer que seules sont scientifiques les propositions «
théoriques » qui proscrivent certains
états de choses « observables »
et qui peuvent donc être rejetées si ces états de choses
sont observés. Ainsi, l'honnêteté scientifique consisterait
toujours à spécifier par avance une expérimentation,
telle que si son résultat contredisait la théorie, celle-ci
devrait être abandonnée ; la différence
avec le falsificationnisme dogmatique consisterait seulement à
reconnaître une part de consensus.
Le problème
est que cette nouvelle approche de la méthode scientifique ne spécifie
pas au nom de quels principes sont choisies les propositions non problématiques,
ni ce qui permet de distinguer une anomalie d'une réfutation. Quand
une « théorie » est en désaccord
avec certaines « observations »,
comme dans le cas de la théorie de la gravitation de Newton avec
le périhélie de Mercure, doit-on considérer, une fois
acceptée la fiabilité des observations, que ce n'est qu'une
simple anomalie que la théorie newtonienne arrivera un jour à
expliquer ou doit-on y voir sa réfutation ? L'histoire
a certes tranché, mais quatre-vingt-cinq années se sont écoulées
entre l'acceptation du périhélie comme simple anomalie et
son acceptation comme réfutation de la théorie de Newton.
Ce qui illustre bien la difficulté qu'il y a à distinguer
une anomalie d'une réfutation.
Outre ces insuffisances,
l'erreur du falsificationnisme méthodologique, comme d'ailleurs
du falsificationnisme dogmatique, est de ne voir dans l'activité
scientifique qu'une sorte de duel, entre une unique théorie et l'expérimentation,
qui n'aurait pour seul intérêt que de réfuter la théorie
en question. Or, l'histoire des sciences relate plutôt des combats
triangulaires entre des théories rivales et l'expérimentation.
Et elle témoigne du fait que les expérimentations les plus
intéressantes furent celles qui ont abouti, non à une réfutation,
mais à des résultats prédits par une des théories
en compétition et non prédits par les autres. Pour améliorer
la caractérisation de la méthode scientifique, une version
sophistiquée du falsificationnisme méthodologique
a donc été formulée.
Selon cette version,
pour qu'une théorie T soit rejetée, il faut que l'on propose
une autre théorie T' qui possède les caractères suivants
: T' doit rendre compte des mêmes phénomènes
que T ; T' doit prédire des faits que ne prédisaient
pas T ; enfin, l'expérimentation doit corroborer une
partie des nouveaux faits prédits par T'. Dire qu'une théorie
isolée est scientifique n'a donc plus de sens, puisque seule une
série de théories peut l'être, ou plus exactement,
c'est le passage d'une théorie à une autre qui peut être
dit scientifique à partir du moment où la nouvelle théorie
surpasse (selon les caractères définis ci-dessus) la théorie
précédente -- ou rivale -- par son contenu empirique corroboré.
Le progrès scientifique se mesurerait alors par la proportion de
faits inédits -- c'est-à-dire à chaque fois inattendus
à la lumière de la théorie qui est remplacée
-- que la série de théories conduirait à découvrir.
Mais si l'activité
dite scientifique ne consiste pas uniquement à réfuter des
théories ou à les corroborer, on est en droit de se demander
ce qui la caractérise ? Pour répondre à
cette question, Imre Lakatos introduit la notion de programme de recherche
: un programme de recherche est en quelque sorte un principe heuristique
basé sur un « noyau dur »
déclaré irréfutable et qui définit des règles
méthodologiques sur les voies de recherche à éviter
(heuristique négative) ou à poursuivre (heuristique positive).
Le noyau dur réside, par exemple, pour le programme cartésien,
dans l'idée que l'univers est un immense système d'horlogerie
avec la poussée comme unique cause de mouvement, alors que le noyau
dur du programme newtonien s'appuie sur l'idée de l'action à
distance. Le rôle de l'heuristique négative consiste alors
à essayer d'éliminer les anomalies que peut rencontrer une
théorie en modifiant certaines hypothèses auxiliaires tout
en se gardant bien de changer le noyau dur. Et le rôle de l'heuristique
positive consiste moins à s'occuper des anomalies qu'à développer
autour du noyau dur des modèles de plus en plus sophistiqués
afin de rendre compte de mieux en mieux de la réalité
; plus théorique, elle ne s'occupe pas des contre-exemples,
du moins jusqu'à un certain point.
Un exemple d'une
heuristique négative est la découverte de la planète
Neptune. Remarquant des perturbations de l'orbite d'Uranus, l'astronome
Leverrier ne remit pas en cause le « noyau dur
» du programme de recherche newtonien mais modifia une hypothèse
auxiliaire dans la description des orbites planétaires :
il imagina tout simplement qu'il existait une autre planète -- Neptune
-- responsable de la perturbation observée. L'heuristique positive,
quant à elle, peut être illustrée par les premiers
développements de la théorie de la gravitation de Newton.
Ce dernier parvint d'abord à la loi du carré inverse pour
l'attraction en identifiant une planète à un point et en
considérant qu'elle tournait suivant une ellipse autour du Soleil,
lui aussi identifié à un point. Puis, uniquement pour des
raisons théoriques, il commença par envisager le fait que
le Soleil et la planète tournaient l'un et l'autre autour d'un centre
de gravité commun. Ensuite, il considéra les planètes
comme des sphères de taille finie et non plus comme des points.
Affinant encore sa théorie, il s'occupa de la rotation des planètes
sur elles-mêmes, et du fait qu'elles subissaient les forces gravitationnelles
des autres planètes et pas seulement du Soleil. Et ce n'est qu'alors
qu'il se préoccupa de la concordance entre la théorie et
l'observation. Après l'avoir trouvée satisfaisante, il aborda
le cas des planètes non sphériques, etc. Ainsi l'heuristique
positive, à la différence de l'heuristique négative,
va de l'avant en négligeant les anomalies mais en attendant qu'avec
le temps elle puisse être corroborée par des observations.
Reste à savoir
comment choisir entre plusieurs hypothèses auxiliaires et entre
plusieurs programmes de recherche concurrents. Leverrier aurait pu proposer
de modifier la théorie optique régissant le fonctionnement
des télescopes utilisés dans cette recherche ;
ou encore, il aurait pu formuler une hypothèse concernant la réfraction
dans l'atmosphère terrestre. L'important est, pour Imre Lakatos,
que la nouvelle hypothèse puisse être soumise à des
tests indépendamment de l'ensemble de la théorie et qu'elle
ne soit pas ad hoc -- par exemple, il n'aurait pas été correct
de proposer que les perturbations de mouvement d'Uranus s'expliquaient
parce que tel était son mouvement naturel. Parmi les différentes
hypothèses qui respectent ces conditions, l'intérêt
de l'hypothèse de l'existence d'une autre planète fut de
conduire à une découverte empirique ; c'est
elle qui permet de transformer une anomalie en corroboration. Ainsi toute
nouvelle étape d'un programme de recherche doit augmenter son contenu
empirique corroboré. Et tant que ce contenu s'accroît -- ou,
comme le dit Imre Lakatos, tant que le programme de recherche progresse
--, il n'y a pas de raison de considérer que les anomalies concernent
le noyau dur, ce qui reviendrait à remettre en cause le programme
de recherche. En revanche, quand un programme de recherche cesse de prédire
des faits inédits -- Imre Lakatos dit qu'il dégénère
--, il se peut qu'il faille l'abandonner pour un programme de recherche
concurrent, à condition toutefois que ce dernier explique la réussite
antérieure du premier et le supplante en déployant un pouvoir
heuristique supérieur.
On pourrait être
tenté de dire qu'être scientifique consisterait à poursuivre
le programme de recherche qui a le plus grand pouvoir heuristique et à
en adopter un autre s'il s'avérait que ce dernier se mettait à
dépasser heuristiquement le précédent. En revanche,
poursuivre un programme de recherche dégénéré
-- c'est-à-dire qui ne prédit pas de faits nouveaux --, quand
il en existe un autre qui est progressif, ne serait pas scientifique. Tout
n'est pourtant pas si simple, car il arrive souvent qu'on ne discerne le
pouvoir heuristique d'un nouveau programme qu'après un long laps
de temps. Par exemple, la théorie cinétique de la chaleur
-- théorie qui rend compte de la chaleur par l'agitation moléculaire
-- a été pendant longtemps moins performante sur un plan
heuristique que la thermodynamique -- théorie phénoménologique
de la chaleur --, avant qu'elle ne la rattrape finalement en 1905 avec
l'explication du mouvement brownien. Après quoi, on ne vit plus
en elle uniquement une manière de réinterpréter certains
phénomènes liés à la chaleur, mais un procédé
pour découvrir certains faits faisant intervenir les atomes. Il
serait donc inopportun, comme nous le rappelle Imre Lakatos, de laisser
tomber un programme de recherche parce qu'il est empiriquement moins corroboré.
Il faut lui laisser le temps de se développer et attendre que la
postérité évalue l'intérêt heuristique
d'un changement de programme de recherche.
Cette méthodologie
des sciences semble ainsi être à même de rendre compte
de leur histoire. Comme il n'y a plus de réfutation avant que n'apparaisse
une théorie meilleure, on explique mieux pourquoi une opposition
entre les données expérimentales et la théorie pouvait
n'être vue pendant longtemps que comme une anomalie avant d'être
interprétée, bien plus tard, comme une réfutation.
On comprend mieux l'autonomie de la recherche théorique, c'est-à-dire
la persistance de scientifiques à développer une théorie
bien qu'elle présente d'innombrables anomalies ; l'espoir
qu'elle supplante un jour ses rivales est en effet ce qui les anime. Et
l'on rend mieux compte aussi du fait que le scientifique ne cherche pas
tant à réfuter les théories qu'à corroborer
les nouvelles prédictions.
Voilà rapidement
esquissée la méthodologie des programmes de recherche que
propose Imre Lakatos dans ce livre riche en exemples. Construite à
partir d'une analyse et d'une critique méticuleuses des thèses
de Karl Popper, cette méthodologie est aussi une réponse
aux historiens des sciences, tel Thomas Kuhn, qui ne verraient que des
raisons psycho-sociologiques à la source des « révolutions
scientifiques ». En essayant au contraire de rendre
compte du développement de la science par des raisons heuristiques
et empiriques, Imre Lakatos entend sauver une certaine rationalité
de l'activité scientifique. Une partie du livre est d'ailleurs consacrée
à montrer que ce serait pour de telles raisons que le programme
de Copernic aurait supplanté celui de Ptolémée. On
semble donc en mesure de répondre à la question initiale
: une activité cognitive serait scientifique si elle participait
d'un programme de recherche qui supplanterait les autres programmes de
recherche ou qui espérerait le faire un jour, c'est-à-dire
qui ferait des efforts pour cela.
On ne peut toutefois
que rester dubitatif sur la pertinence de ce critère d'acceptation
et de rejet des programmes de recherche -- et donc des activités
cognitives -- puisqu'il présente un aspect temporel. Combien de
temps doit-il s'écouler avant que l'on puisse décider qu'un
programme de recherche a dégénéré et qu'il
est incapable de conduire à la découverte de phénomènes
nouveaux ? N'oublions pas qu'il s'écoula plusieurs
siècles avant que l'on ne confirme la prédiction de Copernic
selon laquelle les étoiles devaient présenter une parallaxe.
Et rien ne dit qu'un programme de recherche délaissé de nos
jours ne sera pas fécond dans l'avenir. Or, proposer un véritable
critère de démarcation entre science et pseudo-science consiste
à proposer une démarche à suivre dans le choix de
théories. Mais si l'on ne peut garantir pour l'avenir la supériorité
heuristique de telle ou telle théorie par rapport à telle
autre, force est de reconnaître que l'on ne peut pas distinguer la
science des autres activités cognitives. Par conséquent,
aussi pertinentes que soient les analyses de Imre Lakatos, il est difficile
de considérer qu'il soit arrivé à caractériser
de façon complètement satisfaisante ce qui ferait la spécificité
de l'activité scientifique. La tentation de n'y voir qu'un mot sans
référent persiste. Il en est de même pour la rationalité
: qu'est-ce qu'être rationnel, si l'on ne peut décider
à l'avance de la pertinence d'une décision ?
La réflexion sur le concept de science, ô combien problématique,
doit donc se poursuivre...
Thomas LEPELTIER,
le 11 novembre 1999.
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Sommaire
Introduction : L'impossible désir du rationnel, par
Luce Giard.
I. La falsification et la méthodologie des programmes de
recherche scientifiques.
1. Les sciences : raison ou religion ?
2. Faillibilisme contre falsificationnisme.
3. Une méthodologie des programmes de recherche scientifiques.
4. Le programme de recherche de Popper face à celui de Kuhn.
Appendice : Popper, le falsificationnisme et la «
thèse de Duhem-Quine ». |
II. Pourquoi le programme de recherche de Copernic a-t-il
supplanté celui de Ptolémée ?
Introduction.
1. Exposés empiristes de la « révolution
copernicienne ».
2. Le simplisme.
3. Exposés de la révolution copernicienne par Polanyi
et Feyerabend.
4. La révolution copernicienne à la lumière de
la méthodologie des programmes de recherche scientifiques.
5. La révolution copernicienne à la lumière de
la nouvelle version de la méthodologie des programmes de recherche
scientifiques due à Zahar.
6. Post-scriptum : l'histoire des sciences et ses reconstructions
rationnelles. |
III. L'histoire des sciences et ses reconstructions rationnelles.
1. Les méthodologies rivales de la science : les
reconstructions rationnelles comme orientations pour l'histoire.
2. Comparaison critique des méthodologies : l'histoire
comme mise à l'épreuve de sa reconstruction rationnelle. |
Bibliographie
OEuvres de Imre Lakatos
Index des noms
XLIII-268 pages
ISBN 2 13 045599 9
145 FF (1999)
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