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LES DÉBUTS « MOYENAGEUX
»
DE LA SCIENCE MODERNE
à propos de :
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La physique au Moyen-Age.
VIe-XVIe
siècle.
d'Edward GRANT
Traduit de l'anglais par Pierre-Antoine Fabre
PUF (Bibliothèque d'histoire des sciences),
1995.
Édition originale : 1971, 1977 (2ème
éd.).
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Y a-t-il vraiment
eu une révolution scientifique au XVIIe
siècle ? Il est certes d'usage de considérer
que la rupture opérée avec l'aristotélisme par certains
savants de l'époque avait permis la naissance de la science moderne.
Mais c'est là oublier que le rejet de la physique d'Aristote et
la formulation d'idées neuves n'étaient pas des attitudes
absolument nouvelles. D'ailleurs, lorsque Pierre Duhem (1861-1916) étudia
dans un travail de pionnier l'histoire de la physique médiévale,
il affirma qu'il fallait en réalité faire remonter la naissance
de la science moderne au XIIIe
siècle. Ce renversement de perspective, dont il avait le talent,
a bien sûr fait l'objet de critiques depuis lors, sans qu'il soit
pour autant unanimement remis en cause. Il a en tout cas obligé
les historiens des sciences à explorer ce continent souvent mal
connu de la pensée au Moyen-Age. Mais force est de reconnaître
que la connaissance de cette physique ne dépasse guère le
cercle des spécialistes. D'où l'intérêt que
présente le livre d'Edward GRANT (né en 1926) d'en faire
une courte présentation rigoureuse et lisible (voir sommaire).
S'il utilise le terme de « révolution »
à propos de la science du XVIIe
siècle, son but dans ce livre d'introduction, n'est toutefois pas
d'en défendre l'idée. Plus utilement, il montre sur quelques
exemples en quoi la physique médiévale se détachait
déjà de la physique aristotélicienne et en quoi elle
annonçait la physique du XVIIe
siècle.
Ce serait se tromper
que de voir l'histoire de la science médiévale uniquement
comme celle de la diffusion et de l'assimilation de la science grecque
antique telle qu'elle fut transmise de l'Empire byzantin à l'Islam
puis à l'Europe occidentale ; elle est aussi celle
des réactions que provoqua cette diffusion. Les traductions arabes
de la plus grande partie de la science grecque datent des IXe
et Xe siècles.
Et c'est au XIIe siècle
que commence véritablement l'activité de traduction des oeuvres
antiques en latin, principalement à partir de l'arabe ;
activité qui ne cessa de s'amplifier au XIIIe
siècle. Or, si Aristote occupait une place prépondérante
au sein de l'éducation et de la vie intellectuelle au Moyen-Age,
il pouvait aussi être regardé avec méfiance et parfois
hostilité par les théologiens. Après tout, il considérait
que le monde était éternel, ce qui niait l'acte divin de
la création ; qu'un accident ou une propriété
ne pouvait exister indépendamment d'une substance matérielle,
ce qui heurtait de front la doctrine de l'Eucharistie ; que
les opérations de la nature étaient régulières
et inaltérables, ce qui excluait les miracles ; enfin,
que l'âme ne survivait pas au corps, ce qui niait la croyance en
son immortalité. Autant de thèses qui contredisaient la doctrine
de l'Église et qui fixaient des limites à la puissance absolue
de Dieu.
Pour éviter
d'entrer en conflit avec les dogmes du christianisme, certains penseurs
renoncèrent à chercher un accord entre la philosophie d'Aristote
et la foi chrétienne. Ils pouvaient affirmer que l'éternité
du monde, la régularité inaltérable des événements
naturels ainsi que d'autres doctrines aristotéliciennes n'étaient
pas réfutables par la raison, tout en choisissant de suivre les
interprétations théologiques qui entraient en contradiction
avec ces idées. C'était là souscrire à la doctrine
de la « double vérité »
d'Averroès, selon laquelle une proposition philosophique pouvait
être vraie dans le cadre de la philosophie naturelle et la proposition
contraire également vraie dans le domaine de la foi.
Cette position n'était
toutefois pas sans gêner certains théologiens. Aussi un conflit,
entre les maîtres ès arts, qui enseignaient la philosophie
à l'université de Paris, et les théologiens, vit-il
le jour. Et en 1210, une première interdiction d'expliquer en public
et en privé les livres d'Aristote sur la nature et tous les commentaires
s'y rapportant fut prononcée, sous peine d'excommunication. D'autres
condamnations suivirent, sans que cela empêchât toutefois que
les thèses d'Aristote soient discutées. En tout cas, la tension
s'accrut suffisamment dans la seconde moitié du siècle pour
qu'en 1270, Étienne Tempier, l'évêque de Paris, intervînt
pour condamner treize propositions issues de l'enseignement d'Aristote.
Enfin, en 1277, il condamnait de nouveau 219 propositions et menaçait
d'excommunication quiconque soutenait, même dans le cadre de la doctrine
de la double vérité, ne fût-ce qu'une seule des erreurs
condamnées.
Ces condamnations
visaient les thèses d'Aristote qui allaient à l'encontre
de la puissance absolue de Dieu et de sa capacité à agir
selon son bon plaisir. Par exemple, les théologiens affirmaient
que Dieu pouvait mouvoir l'univers en ligne droite, même si ce mouvement
créait du vide, et ils admettaient aussi que Dieu pouvait créer
autant de mondes qu'il lui plaisait (propositions 34 et 49). Ces affirmations,
qui remettaient en cause les principes de la physique d'Aristote, furent
suivies d'arguments philosophiques qui montraient toute la vanité
des efforts destinés à démontrer ce que Dieu pouvait
ou ne pouvait pas faire. Une critique de la connaissance et des pouvoirs
de la raison, dont Guillaume d'Ockham fut l'un des plus célèbres
représentants, se développa ainsi tout au long du XIVe
siècle. Mais ces condamnations, à en croire Duhem, stimulèrent
aussi l'imagination scientifique, au point que la critique par Galilée
de la physique d'Aristote ne lui paraissait être que le point culminant
d'une démarche qui avait pris son essor bien avant lui. La science
moderne serait ainsi née d'un acte de censure ; elle
serait fille de l'Église ! Edward Grant ne va pas jusque-là,
mais il ne rejette pas pour autant l'idée que ces condamnations
auraient joué un rôle important dans la constitution de la
physique moderne. En tout cas, après avoir retracé ce contexte
historique, il nous propose de découvrir, à partir de quelques
exemples, ces aspects novateurs de la science médiévale.
Commençons
par rappeler quelques traits de la physique aristotélicienne. Pour
Aristote, les corps célestes formaient des sphères concentriques
tournant autour d'une Terre immobile et les étoiles fixes représentaient
la dernière sphère au-delà de laquelle il n'y avait
rien : ni matière (puisque c'était la dernière
sphère), ni espace (puisque l'espace était ce qui pouvait
être occupé par de la matière), ni temps (puisque le
temps était ce qui « rythmait »
le mouvement des corps ; or, il n'y avait pas de corps), ni
vide (puisque ce dernier impliquait un espace qu'un corps pouvait occuper).
Dans cet univers fini, deux régions aux propriétés
physiques bien distinctes étaient alors définies :
le monde supralunaire où les astres, sans subir aucune altération
au cours du temps, étaient animés d'un mouvement uniquement
circulaire autour de la Terre ; le monde sublunaire où
les choses étaient au contraire soumises au changement. La première
région n'était constituée que d'éther. Dans
la seconde, où il n'y avait pas de vide, tout corps était
un composé de corps purs élémentaires (la terre, l'air,
l'eau et le feu) auxquels étaient attribués des lieux naturels
: la terre au centre du monde avec l'eau au-dessus, puis l'air et
enfin le feu dans le ciel. Aristote distinguait alors deux types de mouvement
: le mouvement naturel et le mouvement forcé.
Le premier correspondait au mouvement qu'un corps effectuait «
naturellement » vers le lieu naturel de son élément
dominant ; le second se produisait quand un agent l'en éloignait,
par exemple, quand une pierre était jetée en l'air.
Un des problèmes
importants -- qui devint récurrent au Moyen-Age -- était
justement d'expliquer ce second type de mouvement. Certes, la pierre était
mise en mouvement par un lanceur, mais qu'est-ce qui la maintenait en mouvement
une fois lancée ? Pourquoi ne retombait-elle pas immédiatement
dès qu'elle n'était plus en contact avec la source du mouvement
? Aristote pensait que c'était l'air qui assurait la continuité
du mouvement : en faisant mouvoir la pierre, le lanceur animait
simultanément une portion de l'air ambiant qui, tout en poussant
la pierre, animait une seconde portion d'air, qui poussait à son
tour un peu plus loin la pierre en même temps qu'elle animait une
troisième portion d'air, et ainsi de suite. Quand la puissance motrice
des portions d'air successives, en diminuant progressivement, devenait
incapable d'animer la suivante, la pierre retombait. L'air jouait donc
à la fois un rôle de puissance motrice et de résistance,
puisqu'il assurait la continuité du mouvement et son ralentissement.
Or, les médiévaux
contestèrent que c'était l'élément dominant
qui déterminait le mouvement naturel. Ils introduisirent la notion
de résistance interne en opposant la force cumulée
des éléments légers (l'air et le feu) à la
force cumulée des éléments lourds (l'eau et la terre)
orientés dans l'autre direction. Là-dessus, Thomas Bradwardine
et Albert de Saxe conclurent que deux corps homogènes -- donc de
rapport de forces équivalent, mais de dimensions et de poids différents
-- devaient tomber dans le vide à la même vitesse. Ils remettaient
ainsi en cause une loi aristotélicienne qui affirmait que plus un
corps était lourd, plus sa vitesse était élevée.
Or, on peut dire que Galilée, bien qu'il modifia le sens de certains concepts, suivit en partie la voie tracée
par ces médiévaux quand il affirma dans un premier temps
que des corps homogènes de poids inégaux tombaient à
la même vitesse (1590), puis quand il formula une loi qui fait partie
intégrante de la physique de Newton et qui stipule que tous les
corps, quelles que soient leurs dimensions et leur composition matérielle,
tombent dans le vide à la même vitesse (1638).
L'idée aristotélicienne
selon laquelle le milieu jouait un rôle moteur dans le mouvement
ne satisfaisait pas non plus certains médiévaux qui considéraient
que l'unique fonction du milieu était de retarder le mouvement.
Jean Buridan, par exemple, estimait que dans le lancer d'une pierre une
« forme » motrice transitoire --
appelée impetus -- lui était imprimée de telle
sorte que le mouvement dans le vide était possible aussi longtemps
qu'elle perdurait ; mais quand cet impetus était
annulé progressivement par la résistance du milieu, le mouvement
cessait. Buridan mesurait l'impetus par la vitesse et la quantité
de matière du corps mû. Il en concluait que si un morceau
de fer et un morceau de bois ayant la même forme étaient mus
à la même vitesse, le fer devait parcourir une distance plus
grande puisque sa plus grande quantité de matière pouvait
recevoir davantage d'impetus et le retenir plus longtemps contre
les résistances externes. C'était là annoncer la quantité
de mouvement de la physique newtonienne.
Qui plus est, Buridan
approcha aussi de la loi de l'inertie avec sa théorie de l'impetus.
En affirmant que ce dernier durerait indéfiniment s'il n'était
pas affaibli et détruit par une résistance externe, il laissait
entendre qu'un corps en mouvement sur lequel ne s'exercerait aucune résistance
continuerait à se mouvoir indéfiniment en ligne droite. Mais
il ne développa pas cette idée puisque la direction rectiligne
était difficile à concevoir dans un monde fini. En revanche,
sur l'exemple d'une roue qui continuait à se mouvoir après
qu'on eut cessé de la faire tourner, Buridan conjectura qu'en l'absence
de résistance la roue tournerait perpétuellement. Il innova
d'ailleurs grandement en citant les mouvements célestes comme l'exemple
d'un mouvement circulaire indéfini produit par l'action d'une quantité
constante d'impetus. Il rompait ainsi avec l'usage de ne pas appliquer
les lois du monde terrestre aux cieux. Attitude qui fera plus tard le succès
de la physique moderne.
Mais les médiévaux
ne contestèrent pas uniquement la physique d'Aristote, ils s'en
prirent aussi à sa cosmologie. Des arguments favorables à
la rotation axiale diurne de la Terre, avec un ciel immobile, avaient bien
été formulés dans l'Antiquité, mais ils n'étaient
connus au Moyen-Age qu'à travers leurs réfutations. Cette
thèse rencontra toutefois un certain succès auprès
de Jean Buridan et Nicole Oresme. Aristote avait formulé le principe
que le repos était un état supérieur au mouvement.
Et l'on pouvait aussi bien rendre compte sur un plan purement astronomique
du mouvement diurne de la sphère stellaire et des planètes
par l'hypothèse d'une Terre en rotation et d'un ciel immobile que
par son inverse. Pour accomplir une rotation diurne, la Terre avait toutefois
besoin d'une vitesse quotidienne largement inférieure à celle
qu'il fallait aux sphères célestes, considérées
comme plus nobles. Cela fut une raison suffisante pour que les médiévaux
envisageassent sérieusement la rotation de la Terre.
Buridan adopta toutefois
l'opinion traditionnelle. C'est que pour lui, l'hypothèse de la
rotation de la Terre échouait à expliquer pourquoi une flèche
tirée verticalement en l'air retombait à l'endroit d'où
elle était partie. En effet, si la Terre tournait réellement
d'ouest en est, la flèche devait retomber à une distance
correspondant à la rotation de la Terre pendant qu'elle était
en l'air. On pouvait cependant répliquer que l'air se déplaçait
en même temps que la Terre et entraînait la flèche avec
elle. Mais pour Buridan, quand la flèche était lancée,
la quantité d'impetus qui lui était imprimée
devait lui permettre de résister au mouvement latéral de
l'air, et ainsi de retomber nettement à l'ouest de son point de
tir. Ceci étant contraire à l'expérience, Buridan
concluait à l'immobilité de la Terre. En revanche, Nicole
Oresme ne voyait rien d'incompatible entre la rotation de la Terre et le
retour de la flèche à son point de tir. Pour lui, la flèche
accompagnant le mouvement de la Terre et de l'air, elle devait s'élever
directement à la verticale de son point de tir pour retomber sur
lui. Mais les doutes qu'avait Oresme envers la valeur des raisonnements
fit qu'il adopta aussi l'opinion consacrée de l'immobilité
de la Terre. Cependant, le rejet d'une rotation axiale de la Terre par
les médiévaux ne signifiait pas qu'aucun mouvement ne lui
fût attribué. Buridan, entre autres, considérait que
la Terre, censée être au centre de l'univers, n'était
pas homogène ; son centre de gravité différait
donc de son centre géométrique. C'est pourquoi il admettait
que la Terre effectuait des petits mouvements rectilignes incessants afin
de faire coïncider son centre de gravité avec le centre géométrique
de l'univers.
Par ailleurs, bien
que la cosmologie médiévale acceptât globalement l'idée
d'un monde fini, elle ne put s'empêcher de se demander s'il n'existait
pas quelque chose au-delà de la sphère céleste la
plus éloignée. Par la condamnation de 1277, les médiévaux
n'avaient-ils pas réaffirmé que Dieu, s'il le voulait, avait
pu et pouvait encore créer d'autres mondes ? Et c'est
effectivement avec cette condamnation clairement présente à
l'esprit que des auteurs comme Jean Buridan, Nicole Oresme et Albert de
Saxe discutaient de la pluralité des mondes. L'idée de deux
ou de plusieurs mondes séparés, tout à fait extérieurs
les uns aux autres, et existant simultanément, allait pourtant directement
à l'encontre de la physique aristotélicienne. En effet, selon
Aristote, des éléments lourds qui auraient été
placés au-delà de notre monde, auraient nécessairement
dû tomber sur la Terre, puisque l'univers ne pouvait avoir qu'un
seul centre. Mais Oresme répliqua en relativisant les notions d'Aristote
: il imaginait ainsi qu'un objet lourd au-delà de notre monde
et séparé de lui par un vide ne se déplacerait pas
nécessairement vers le centre de notre monde, mais pourrait se déplacer
vers le centre du sien. La physique d'Aristote était ébranlée
une fois de plus et l'idée de la pluralité des mondes était
sérieusement envisagée. Mais plutôt que de dire que
d'autres mondes semblables au nôtre devaient réellement
exister, les médiévaux se contentaient d'en démontrer
la possibilité.
La condamnation
de 1277 stimula aussi les discussions sur l'existence du vide. L'infinie
puissance et omniprésence de Dieu avait été réaffirmée
: Dieu ne pouvait donc être confiné dans un monde clos.
C'est pourquoi on déclara qu'un vide infini s'étendait au-delà
des limites de notre monde matériel fini. Mais comme cette omniprésence
de Dieu dans l'espace ne devait pas en faire un être étendu,
on déclara que l'espace vide était imaginaire. Cette
« extension » infinie de Dieu, qui
ne devait être comprise que selon un sens métaphysique, cohabita
toutefois avec une idée d'un espace vide réellement existant.
Oresme, en effet, respectant en cela l'article 49 de la condamnation de
1277, visualisait le vide extracosmique comme un contenant spatial infini
dans lequel Dieu pouvait mouvoir notre cosmos sphérique fini en
ligne droite, même si ce mouvement créait du vide. Une fois
de plus l'univers clos d'Aristote semblait sur le point d'éclater.
Les théories
de l'impetus, l'approche du théorème de l'inertie,
les idées sur le vide extracosmique et la pluralité des mondes,
les arguments en faveur de la rotation de la Terre et de son déplacement
dans l'espace ne sont pas les seules avancées de la science médiévale
qu'Edward Grant relate dans ce petit livre fort instructif. Il considère
néanmoins que toutes les innovations n'ont fait au mieux qu'annoncer
les futurs développements de la physique du XVIIe
siècle et qu'elles n'ont pas réussi à remplacer véritablement
la vision aristotélicienne du monde, ni à fonder, comme on
le vit plus tard avec Galilée, une nouvelle mécanique. C'est
que, selon Edward Grant, en exprimant des désaccords et en formulant
des théories rivales, les médiévaux n'avaient pas
la volonté de remplacer ce système comme ce fut le cas au
XVIe siècle
et surtout au XVIIe
siècle. Il explique cette différence par le fait que, pour
les médiévaux, l'important était moins d'appliquer
les théories à la nature, que d'en imaginer la possibilité.
Un concept incompatible avec la physique ou la cosmologie d'Aristote n'avait
pour eux que le statut d'hypothèse ; il n'y avait pas
à en tirer toutes les conséquences. Cette attitude découlait
en partie, selon Edward Grant, de la condamnation de 1277 ;
car si cette dernière avait affaibli l'emprise de la science aristotélicienne,
ce fut en mettant en cause toute certitude scientifique face à l'infinie
puissance divine. Substituer à une explication physique d'Aristote,
une autre explication également plausible, ne voulait donc pas dire
qu'on prétendait atteindre une connaissance vraie du monde physique
; la cohérence logique était recherchée, non
la réalité physique.
En revanche, la
quête de cette réalité fut au coeur de la recherche
scientifique d'un XVIIe
siècle qui avait retrouvé la confiance dans les explications
physiques. Plus question de se contenter de formuler des hypothèses
: il fallait désormais parler de la réalité.
Alors que les médiévaux ne choisissaient pas entre plusieurs
explications qui rendaient également compte des apparences, puisque
Dieu avait pu créer un monde bien plus complexe que les phénomènes
ne le laissaient apparaître, les « modernes
», au contraire, s'attachaient à trouver l'explication
« vraie ». La recherche devint donc
plus systématique, plus précise et plus cumulative. L'orgueil
qui animait les nouveaux hommes de science fut le moteur de leur réussite.
Thomas LEPELTIER,
le 10 octobre 1999.
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Sommaire
Note de l'éditeur
Préface
I -- L'état de la science du VIe
au Xe siècle
II -- Le commencement du commencement et l'âge de la traduction
(Xe-XIe
siècle)
III -- L'université médiévale et le poids de la
pensée aristotélicienne
IV -- La physique du mouvement
V -- La Terre, les cieux et au-delà
VI -- Conclusion
Bibliographie commentée
Références bibliographiques
Index des auteurs cités
170 pages
ISBN 2 13 047154 4>
85 FF (1999)
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